Tombeau des antipodes

Tombeau des antipodes





Bascule le navire aspiré par l’ailleurs.
Les terres ne sont plus qu’émanations des songes.
Les nuages parfois, grattant ce qui nous ronge,
esquissent des châteaux, des montagnes, des leurres.



Les étoiles ne sont plus même nos étoiles.
Il arrive qu’on voit quelque bête marine,
échappée, arrachée aux parois utérines
par ces vents capricieux qui déchirent nos voiles.


Des compagnons sont morts. Une plaie, la gangrène,
et tous les maux de mer. Certains disent blasphème,
mauvais sort, œuvre impie, réclament le baptême.
On s’espionne, on s’épie, on affûte sa la haine.


Mais dès qu’on l’aperçut, cet archipel touffu,
le vif éclat des verts, l’eau douce des cascades,
ses palmiers indolents… Chez tous les camarades,
la vaillance reprit, joyeuse, le dessus.





Les sauvages nous ont fraîchement accueillis.
Grondement des tams-tams, visages peints de blanc,
coups de rame en cadence, arrivant sur nos flancs !
Qu’ils étaient noirs et laids !... L’air vibrait de leurs cris.


Des pirogues, ces chiens visaient, lançaient, tiraient
javelots et cailloux, une flèche parmi
s’enfonça devant moi dans l’œil de mon ami,
sous les ricanements de tous ces contrefaits.


Nos canons mis en branle et nos mousquets chargés,
au sabre le travail, vite parachevé :
les Cafres massacrés, ce fut un franc succès.
Nous étions maculés de sang chaud et fierté.


Le village était vide. On longea le rivage,
éventrant les esquifs laissés en bord de mer.
En trois groupes, d’abord, on ratissa du fer
la jungle environnante, au cœur, pleins de carnage.


Les filles partagées sentaient le feu de bois.
Leur faible résistance exprimait à nos yeux
la supériorité de nos lois, de nos dieux.
Des enfants, je ne sais ce qu’il advint ma foi.





Au milieu de la nuit, alerté par des pleurs,
je trouvai la coupable, accroupie, solitaire,
lui appris sur-le-champ bonne raison de braire.
Le lendemain matin, envolée l’âme sœur !



Il y eut quelques jours à profiter ainsi
des charmes de Cythère et d’un ciel toujours bleu.
Un peu de cabotage… une escapade ou deux…
Le chemin du retour s’effectua sans soucis.






Devant le peu (!) de commentaires obtenus par mes derniers envois, je lance une dernière bouteille...

Un poème ambigu mais fort intéressant, je m'explique. J'y vois ici l'arrivée des colons européens du XVème siècle et leur soif de destruction et d'expropriation massive à l'égard de territoires vierges et de la mise en esclavage des habitants natifs qui y vivent.
Je vois la peste et le choléra qui se rapprochent dangereusement de ces côtes immaculées et le goût du sang et du sexe crade dans les bouches faisandées des explorateurs chrétiens, dieux à peau métallique prêts à s'approprier les corps et les âmes des vivants qui observent avec peur et fascination leur débarquement soudain. Je vois l'empressement des troupes bottées et casquées qui s'affairent et plantent leur drapeau chauffé à blanc sur la plage en guettant d'un air inquiet le mouvement des palmiers et des buissons verts émeraude. Qu'allons-nous trouver derrière ce vaste rideau d'herbes folles ? De l'or, des fruits et légumes rares ou de multiples bêtes féroces ? Je vois la mondialisation en marche...
J'en viens maintenant au positionnement de ta voix et de ta politique. Ici tu endosses le costume du colon qui fut témoin de cette aventure épique. Ce colon qui a traversé des milliers de kilomètres sur l'océan et enduré les pires sévices de la nature et des siens pour enfin contempler dans toute sa pourriture occidentale avide de conquête puérile, l'archipel du bonheur. Ce naufragé au regard reptilien est en mission, il a pour seule consigne le pillage de nouvelles ressources et l'expansion de son empire. J'arrête ici l'extrapolation outrancière. La vraie question est la suivante : est-ce que tu dénonces dans ce poème les méfaits de la colonisation (ce que je pense ) ou te ranges-tu aux côtés des conquérants (véritables sauvages à mon sens) ?

En attendant ta réponse, voici un extrait d'un film qui traite du problème. Il s'intitule le Nouveau monde réalisé par T.Malick en 2006 :

Merci de ta lecture et de ton long commentaire (que je découvre ce matin).
J'avoue ne plus guère venir, ne parlant visiblement pas la même langue que les indigènes.

Il me semblait assez évident que, derrière la voix du narrateur, transparaissait l'ironie de l'auteur...
C'est vrai que je n'ai pas mis de petite icône souriante...
Je ne dénonce rien, j'énonce. La poésie n'est pas lieu du commentaire, à mon avis, et elle ne s'abaisse pas non plus au niveau du tract.

(Sinon, puisqu'il s'agit du Pacifique Sud, je songeais à plus proche de nous, à savoir ce XVIII ème siècle dit des Lumières.)

Mea-culpa, zenobi. Il est vrai que je me suis égaré sur certains points notamment historiques et géographiques, cela est regrettable mais non condamnable. Dans ce poème tu uses de cynisme et non d'ironie, voilà pourquoi il m'est apparu ambigu. Enfin il ne faut pas confondre ces deux postures car cela peut être préjudiciable pour la santé de l'esprit.

C'est vrai que je n'ai pas mis de petite icône souriante...

Cher zenobi, d'où vient ce sentiment de persécution qui semble te miner jour après jour ?
D'où vient ce sentiment d'insécurité permanent ?
J'ai beaucoup apprécié ce jugement infantile à l'égard de mon intelligence, cela doit être fascinant de tutoyer les sommets au quotidien. Il serait intéressant que tu me fasses partager tes rayonnements démiurgiques et ta conquête de l'inconnu, moi qui n'est pour l'instant atteint que l'âge de raison !

Je ne dénonce rien, j'énonce. La poésie n'est pas lieu du commentaire, à mon avis, et elle ne s'abaisse pas non plus au niveau du tract.

Dans ta toute puissance paternaliste bientôt déconfite et après de multiples examens de conscience bien menés, tu comprendras un jour que ce que tu affirmes n'est que pures illusions métaphysiques.

Pour toi donc, un véritable changement de paradigme s'impose.

Cordialement

Tu me lis bien mal, camarade, et tu projettes sur moi, par sur-interprétation, bien des choses qui me sont étrangères.
J'ai été étonné, oui, que l'on pût me soupçonner de racisme ou de colonialisme. Rien de plus.
Mais ton second message, auquel je réponds maintenant, m'étonne bien plus. Que de "il faut", "il ne faut pas", que de prises de position venant.. d'en haut.


Cher zenobi, d'où vient ce sentiment de persécution qui semble te miner jour après jour ?
D'où vient ce sentiment d'insécurité permanent ?

Excuse-moi, mais là, j'ai éclaté de rire.
Mes seules remarques, ici, et elles sont facilement vérifiables, concernent le silence qui entoure les textes que je dépose. Des faits, donc, et têtus. La question, selon moi, ressortit du fait que je ne dois pas, humainement plus que textuellement, je crois, macadam-compatible...


J'ai
beaucoup apprécié ce jugement infantile à l'égard de mon intelligence,
cela doit être fascinant de tutoyer les sommets au quotidien. Il serait
intéressant que tu me fasses partager tes rayonnements démiurgiques et
ta conquête de l'inconnu, moi qui n'est pour l'instant atteint que l'âge de raison !

Là, ton ironie, ne vise que toi-même. Je partager ta fierté, quant à l'âge de raison, bien que pus avancé que toi dans la carrière, je n'ai pas même cette prétention.

Je
ne dénonce rien, j'énonce. La poésie n'est pas lieu du commentaire, à
mon avis, et elle ne s'abaisse pas non plus au niveau du tract.

Dans
ta toute puissance paternaliste bientôt déconfite et après de multiples
examens de conscience bien menés, tu comprendras un jour que ce que tu
affirmes n'est que pures illusions métaphysiques.

Tu continues visiblement à te faire plaisir, à aligner des mots (paternaliste, illusions métaphysiques...) sans penser, sans argumenter.

Eh oui, quitte à te déplaire, j'énonce, je ne dénonce pas. Je ne crois pas à la poésie-tract, je ne crois pas Auteurs qui expliquent à leur pauvre lectorat et qui, comme tu le fais depuis le début de ce message avec moi, se croient ( a priori) supérieurs. Je ne suis probablement pas plus con que toi, ni moins ouvert à l'art, à la culture. Mais je n'ai pas d'ordre ni de conseil à donner à mes commensaux.

Pour toi donc, un véritable changement de paradigme s'impose.

Tu te rends compte de ce que tu dis ? Maître es-philo, es-psycho, gourou ?
A traiter l'autre comme "insane", on sait assez où ça nous mène...

Désolé, camarade, mais je crois aux rapports d'égaux, et ne me permettrais pas, pour ma part, d'échanger avec toi autrement que sur un pied d'égalité.
Amicalement néanmoins, je te salue en ce dimanche matin.
Et vive la liberté.

Je ne me sens supérieur en rien. Seule cette petite phrase assassine m'a déplu et m'a fait sortir de ma réserve :

C'est vrai que je n'ai pas mis de petite icône souriante...

Je me suis senti offensé alors dignité oblige, il m'a fallu répliquer.

Enfin tu extrapoles quant à ces soupçons de racisme et de colonialisme. Il n'est pas question de cela. Ton poème, je te l'ai dit m'a beaucoup plu et crois-moi la thématique que tu développes est chère à mon coeur. Maintenant j'ai commis quelques erreurs d'appréciations et encore une fois je m'en excuse. Je ne pensais pas que nous arriverions à de tels échanges disons disproportionnés. Ce n'est pas dans mes habitudes, vraiment. Je suis sur ce forum pour lire, écouter, échanger et partager des mots, des idées et commenter à l'occasion et non pour tomber dans ce type de joutes verbales bien malheureuses.

Pour conclure, je te lis zenobi et beaucoup ici le font également, je présume. Pourquoi cette obsession du commentaire ? J'ai posté des poèmes qui parfois n'en ont reçu que très peu et cela ne m'irrite pas outre mesure. Le plus important est de continuer à créer et de garder intact notre potentiel imaginatif.

Je te souhaite un agréable dimanche et te remercie pour ta franchise, ta sincérité.

Cordialement

Léo

ps : je ne fais parti d'aucune secte et mon statut de gourou n'est toujours pas reconnu !

Salut

Je tenais juste à mettre les choses au point, sans animosité, et apprécie ta franchise.
Tu ne me dois aucune excuse, des désaccords ne relèvent pas de cette démarche- et je te remercie de m'adresser la parole, ça me change.

Je trouve ce forum particulièrement replié sur lui-même, ses habitudes, ses habitués, ses rituels...
Et, oui, je trouve anormal que mes cinq ou six derniers envois aient obtenu pour la plupart zéro commentaire. Et, je ne m'en cache pas, je préférerais un bien franc " tu nous casses les couilles/ t'es pas comme nous/ tu pues" à cet ostracisme.
Ceci posé, ça ne m'empêche pas de dormir. Mais je suis un chiant, alors je dis ce que je pense, quitte à froisser.
Bonne journée.

Pour un sujet qui fâche et anime les neurones, il est bien, et je dirais presque normal, que le ton monte. Il est bien normal aussi de vouloir situer la réalité de l’auteur dans l’Histoire (Histoire avec un grand H, n’est pas une petite histoire simple) qu’il relate. Alors tout est bien..., qui finit bien.

Dam, je ne crois pas à l’ironie sur des sujets pareils.

"Dam, je ne crois pas à l’ironie sur des sujets pareils."

Certes. Jetons donc le combat des Lumières aux orties... Adieu, Voltaire, Diderot, Swift, Montesquieu...

J’ai écrit à quinze ans un truc qui parlait de cet héritage et des ‘fissures des lumières’.

Dam, À d’autres...

Et...?