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La Disparition des Piafs Mongols.

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La Disparition des Piafs Mongols. Empty La Disparition des Piafs Mongols.

Message  Zlatko Mer 28 Aoû - 13:06

C'était un jeudi après-midi semblable aux autres, lorsque le téléphone du commissaire Pivert sonna d'un coup. Je suis en train de manger, rappelez-moi, dit-il. C'était un pieu mensonge : il était en train de chercher ses lunettes, et ne voulait pas que son interlocuteur entende la myopie dans sa voix. Pardon, commissaire, dit l'homme au bout du fil, mais l'heure est grave. Un pays entier a besoin de vous.

Une heure plus tard, Pivert avait réuni trois hommes dans son bureau. Ses grandes mains tordaient, nerveuses, les rideaux à motifs losangés de la Salle de Début d'Enquêtes.

Gentlemen, commença t-il, je me dois de vous prévenir : cette enquête s'annonce comme la plus difficile qu'il nous sera donnée de mener. Pour cette raison, j'aurai besoin de toutes vos compétences, de l'amour de ma femme, et de retrouver mes lunettes. Sa voix tremblait, et les sourcils se levèrent. Messieurs, reprit le commissaire gravement, tous les piafs de Mongolie ont disparu.

Ah voilà, dit l'ornithologue, quand même. Je sais enfin ce que je fais ici. En effet il était curieux, pour un membre des forces de l'ordre comme Pivert, de réunir un mathématicien, un étudiant en Art et un spécialiste des Oiseaux du Monde dans la même pièce. Mais l'annonce du commissaire apaisa les tensions qui régnaient depuis quelques minutes, donnant à l'assemblée une cohérence lumineuse. Tous? répétait, incrédule, le mathématicien. Les piafs? répétait, rêveur, l'étudiant en Art. De Mongolie? termina l'ornithologue, à qui l'étudiant en Art avait piqué sa réplique.

Oui, dit Pivert. Le Mongolssariat a reçu hier plusieurs appels et ils concordent tous. Plus un seul oiseau ne sillonne le ciel de Mongolie. Les insectes prolifèrent, les chasseurs rentrent bredouilles, les poètes désespèrent. Il nous faut aller sur place au plus vite. C'est impossible, répondit le mathématicien avec flegme. Aller quelque part induit un mouvement. On ne peut 'aller sur place'. Ils rirent tous de bon cœur et fumèrent la moquette en regardant le soleil se coucher sur Paris.

Treize jours plus tard, l'équipe sillonnait en rollers les plaines Mongoles. Ils n'avaient pu réunir aucune information utile. Après un trajet en avion préoccupant, Pivert en était venu à se demander s'il avait choisi les bons compagnons d'enquête. L'ornithologue avait cru bon de leur expliquer, en plusieurs heures, le pourquoi de sa vocation : moi, expliquait-il, j'ai été mordu par une mésange du Jurassique quand j'avais dix ans. Elles font à peu-près la taille d'un éléphant et sont très agressives. Elle est descendu du ciel, comme ça, je pense qu'elle m'a pris pour un ver, m'a ouvert le bide et picoré un peu. J'ai perdu plusieurs organes, figurez-vous. Il n'empêche que cette délicieuse créature est probablement la seule de son espèce encore vivante! Je suis ornithologue pour cette raison : je dois la retrouver.

A dire vrai Pivert s'en fichait. Il avait une enquête à mener. Mais il est difficile de ne pas se confier à un homme à votre tour quand, dans le ventre arrondi d'un avion posé au milieu des nuages, celui-ci vous a sincèrement tendu la main. Dans ces moments rares, la testostérone est assez basse pour permettre de lever un peu son kilt devant les autres. Ainsi chacun, entre deux turbulences, y allait de son souvenir ou de son anecdote. L'étudiant en Art leur avait confié sa propre fascination pour les volatiles ; il avait d'ailleurs vécu deux ans en colocation avec une mouette, partageant avec elle ses cornflakes et ses idées avant-gardistes sur la représentation cubique des bananes.

Aussi, lorsque le mathématicien commençait à leur confier sa lubie lui causant des érections sauvages et inattendues devant certaines équations complexes, le Commissaire Pivert avait-il vu le sol Mongol s'approcher avec soulagement.

Ce treizième soir les vit donc assis, déconfits, autour d'un feu de fortune. Messieurs, dit Pivert, que savons-nous de plus qu'à notre arrivée? J'ai mal aux fesses, répondit le mathématicien, je suis assis sur une racine carrée. Taisez-vous, dit Pivert, vous êtes un gros con. Et inutile en plus. Vos observations, ornithologue? Le spécialiste affirma qu'il n'avait vu ni plume, ni bec, ni patte, aucun oiseau complet ou incomplet dans les plaines, ni entendu aucun chant mélodieux dans ses oreilles lasses, ni sali ses bottes dans aucune fiente récente ou non (car il savait que le commissaire Pivert aimait la précision) ni d'ailleurs aperçu sa mésange du Jurassique où que ce soit. Quant à l'étudiant en Art, il dormait en poussant de petits cris de mouette.

A la lueur de ce témoignage, Pivert fit les cent pas en réfléchissant. Les oiseaux, ça ne disparaît pas tout seul, quand même. Aucun prédateur ne peut bouffer tous les piafs d'un pays d'un seul coup. Il ne restait au vrai que deux solutions : soit quelqu'un voulait kidnapper tous les mongols mais, jugeant le plan trop risqué, avait préféré kidnapper leurs oiseaux. Soit quelqu'un voulait dès le départ kidnapper leurs oiseaux. Dans les deux cas, la lumière se faisait sur cette affaire : c'était un kidnapping.

Il traîna donc ses acolytes, plusieurs semaines durant, dans tous les bars mal famés des Mongolopoles, interrogeant ici un videur chauve, là une professeur d'histoire nymphomane, pour savoir si quelque louche individu avait un jour, ces cent dernières années, parlé d'un projet de ce genre. Partout il faisait chou blanc. Il poussa le vice jusqu'à interroger, dans les campements nomades, certains yaks dont les meuglements lui semblaient suspects. Ce fut là aussi un échec. Au bout de six mois, assis autour d'un feu de fortune, les barbes longues, les yeux mi-clos, l'équipe d'enquête n'avait pas fière allure. Pivert était homme de bon sens et résolut d'annoncer à tous qu'ils rentraient à Paris.

Soudain le talkie-walkie du mathématicien sonna. Maman? dit-il. Professeur, dit son assistant au bout du fil, je crois que j'ai trouvé la solution à votre histoire d'oiseaux! Les barbes volèrent, les yeux s'ouvrirent : tous, l'oreille proche du talkie, attendaient la suite. Voilà, continua l'homme. L'OCRATM, l'Observatoire Chargé du Recensement des Apparitions de Trous noirs en Microclimat, a relevé il y a quatre-vingt quatre ans un minuscule pic d'activité en plein milieu de la Mongolie. C'est la preuve qu'un trou noir spontané est apparu dans son ciel pendant plusieurs secondes. Il a probablement aspiré tous les oiseaux avant de disparaître!

Le talkie crachota et rendit l'âme. L'équipe se regardait, les yeux brillants. Le kidnappeur des piafs de Mongolie était donc un trou noir! Ils se serraient les mains et déjà, les flonflons de la gloire sonnaient à leurs oreilles. A Paris, dit Pivert, pleurant et riant à la fois, nous serons des héros! Pourtant, le mathématicien fronçait les sourcils. Mais enfin, dit-il, si le trou noir est apparu il y a plus de quatre-vingt ans, comment se peut-il que les mongols ne se soient aperçu que maintenant que l'absence des oiseaux?

Oh vous savez, dit Pivert, ce sont des gens paisibles.

 

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La Disparition des Piafs Mongols. Empty Re: La Disparition des Piafs Mongols.

Message  Nilo Mer 28 Aoû - 16:13

Je me suis pris à sourire à cette distrayante lecture. D'autant que bien écrite (comme d'habitude) cette petite nouvelle est très agréable à lire et nous évite l'ennui.

Nilo, artornithoticien.

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